La liturgie catholique

Cet article est assez éclairant car écrit dans les années 1930, il montre qu’une certaine ‘érosion’ pouvait toucher déjà l’Eglise, mais il faut ensuite souligner que la réforme liturgique de 1969 a très largement amplifié ce phénomène.

 

 

Certains clercs novateurs tendent de plus en plus à s’écarter de la liturgie traditionnelle pour ouvrir l’avenir, de plus en plus, à une religion discoureuse qu’ils pensent devoir parler mieux, avec plus de fruit, à l’âme du peuple.

Ils abandonnent volontiers la pratique dominicale — vêpres, complies — pour multiplier, hors église, des réunions conversantes, des séances de petit parlement pieux et substituent dans les offices mêmes, aux mystérieuses hymnes sacrées, jugées inintelligibles, le cantique en langue vulgaire qui dit tout ce qu’il signifie : peu de chose ou rien.


Dans ce parti de vulgariser – oh ! combien ! – le culte divin en le dépouillant de sa séculaire beauté sanctifiante, comme un Ci-devant qu’il faut enfin exproprier, un Passé qu’il est temps d’appauvrir pour le mettre au bas niveau du plus grand nombre, ils oublient que la vertu mystique est au contraire d’élever le plus grand nombre au niveau sur-quotidien des éternels élus.

Est-il nécessaire au croyant de tout comprendre ?

Il y a plusieurs paroles dans le verbe de Dieu. Dieu ne parle pas seulement à l’homme par le discours plus ou moins convaincant de l’homme, mais aussi, quand l’homme se tait, par une atteinte intérieure que la parole ne sait pas.

La liturgie est pour cette approche divine une voie majeure et quasi sacramentelle. Elle est le chœur séculaire de la Communion des Saints qui unit à travers les âges, par les mêmes mots chargés d’âme de la même prière, le Miserere et le Magnificat d’une vieille femme illettrée, au Miserere et au Magnificat de Thomas d’Aquin, le docteur, et de Jeanne la Lorraine qui ne savait pas lire. (…)


N’ont-ils jamais, ces réformateurs — pas plus que Calvin jadis — n’ont-ils jamais considéré le Don fait aux foules qu’est la Liturgie Catholique par laquelle l’Église militante, sur sa route de pauvre terre, accède parfois aux premiers degrés rayonnants de l’Église triomphante et goûte un instant le Ciel ?

Le Don de l’Église au peuple, qui le mesure ?

La multiple richesse liturgique, l’appel entre terre et cieux du Rorate de l’Avent, sa sublime aspiration désolée et consolée ; le Gloria laus marchant et verdoyant des Rameaux ; l’Exsultet de la Nuit Pascale ; les grands Alleluias de Pâques sous les cloches à toute volée ; la lamentation outre terre de l’Office des Morts, son formidable et suppliant Dies irae ; le Parce Domine implorant des malheurs publics, le Te Deum fulgurant, surhumain, des épiques actions de grâces, toute cette magnificence chantée, l’Église catholique la donne au peuple dans la magnificence monumentale des cathédrales, sous la magnificence radieuse des verrières (…).

Jamais roi dans sa gloire ne s’est offert à soi-même un trésor tel ; jamais les chefs de républiques n’en rassembleront de tels pour le faste réservé à leurs invités de marque.



Mais elle, l’Eglise catholique, dans l’inégalable égalité de sa charité universelle, l’a ouvert et l’ouvrira, de siècle en siècle, au moindre de ses petits, au premier mort qui entre, au premier gueux qui passe.

Et si, par malheur, un jour, elle ne pouvait plus le lui donner, que resterait-il à l’homme qui peine sur sa tâche, pour l’allégresse de son jour de fête ? Des tonitruances de hauts-parleurs, des discours de ministres… Et les chevaux de bois !

Source : Marie Noël, Notes intimes, éditions Stock, 1966.

Commentaire de la revue Itinéraires (n° 257, nov. 1981) qui les cite : « Bien avant “le concile”, la décomposition était commencée. »

 


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