Freud

Freud aide-t-il à comprendre l'homme et la foi ?


Quelle expertise psychologique est-elle en mesure de nous éclairer sur les questions de guérison, d’accompagnement spirituel et de discernements moraux et pastorau.


La question se pose à l’homme en général mais ici au chrétien en particulier.


Dans Psychologie et spiritualité, enjeux pastoraux, le père Bernard Pottier SJ, et la psychologue Dominique Struyf s’emploient à relier le spirituel et le psychologique. Au moment où je lisais leur livre, je suis tombé sur une édition récente de Viktor Frankl : Retrouver le sens de la vie[1].

Quel ne fût pas mon étonnement de me sentir infiniment plus proche d’un autrichien non chrétien né en 1905 que d’un Jésuite dialoguant avec une psychologue théologienne catholique.


Plus généralement quels concepts psychologiques pouvons-nous utiliser pour penser le spirituel ?

Ces quelques lignes tentent de proposer une réponse au moins négative : pas Freud, plus Freud, plus jamais, car la psychanalyse, scientiste, déterministe, matérialiste, athée chez son inventeur mais aussi dans sa méthodologie n’est absolument pas soluble dans la pensée chrétienne, au contraire la première dissout la seconde.

Ce qui le montre pourrait être cette lecture du livre de Pottier et Struyf : même quand ce sont d’authentiques chrétiens qui tentent la solution, celle-ci échoue et ne nous laisse, pour toute spiritualité qu’un minuscule précipité peu ragoutant et ce, alors même que les concepts freudiens ont été reformulés au ppoint de les rendre presque méconnaissables.


[1]InterEditions, Malakoff, 2017



A  -  Approche psychologique du spirituel ou bien approche spirituelle de la psychologie. 


Viktor Frankl d’une part, Pottier et Struyf d’autre part, dans les deux cas, entre spiritualité et psychologie, il s’agirait d’une rencontre dont on ne pourrait que se réjouir. Mais rapidement saute aux yeux une différence de perspective et de rapport du tout à la partie. Pottier fait de la spiritualité un surplus surajouté optionnellement au niveau psychologique « si nous sommes croyants ».

Au contraire, sans l’identifier au religieux ni, encore moins à la Grâce (et tant mieux ! ), Frankl fait du spirituel le fondement de l’unité psychique de l’être humain.

Pour lui le spirituel est ce qui unifie toutes les parties de l’entité humaine tandis que Pottier fait de la spiritualité une partie de l’anthropologie : par exemple, la symbolique eucharistique se surajoute à des processus psychologiques « normaux » et le péché est une « dimension supplémentaire » que la foi ajoute à la faute morale (p 123). Voyons-le plus en détail.


Pottier distingue quatre niveaux anthropologiques : physique, psychique, rationnel, spirituel - « chaque niveau anthropologique intègre et approfondit le précédent » dans lequel il « s’enracine profondément » (p 20). Cela forme une pyramide où « le niveau spirituel est le plus élevé mais aussi le plus ténu » (P 16). Dans cette image le niveau spirituel n’est indispensable à aucune couche dont il assurerait le fondement : les couches inférieures sont indispensables aux supérieures : « Tout ce qui est spirituel est psychique, mais tout ce qui est psychique n’est pas nécessairement spirituel » (p 20).

La dépendance ne fonctionne dans l’autre sens que de façon très hypothétique : « Il y a donc très certainement, dans le tableau ci-dessus, une influence de bas en haut mais il n’est pas interdite de penser qu’il y a aussi une influence du haut vers le bas » (p 17). On voit bien que la dépendance diffère d’un sens à l’autre : de bas en haut elle est certaine et nécessaire, dans l’autre sens on va seulement tenter de montrer qu’il n’est « pas interdit de penser » qu’elle s’exerce.


S’il est évident que la foi est un libre choix, cela ne signifie pas que la dimension spirituelle de l’être humain puisse être choisie ou pas, se surajoutant optionnellement au reste.

Quand la foi est refusée, quand la spiritualité est asséchée, le haut de la pyramide n’est pas supprimé, il reste une place vide en souffrance. Toute la question de la peine du péché et du « vide existentiel » thématisé par Frankl se trouve là. Frankl affirmait tout au contraire :


« une simple entité psycho-physique (…) ne suffit pas à fonder l’unité de l’être humain, ni le fait qu’il soit humain ; cela ne constitue pas son entièreté : la véritable entité humaine doit inclure la dimension spirituelle comme élément essentiel puisque c’est précisément la dimension spirituelle qui, en tant que constituant, est fondamentalement responsable de l’unité de l’être humain » (p 204).



Que dit le jésuite[1] Pottier ? « La vie spirituelle fait partie de la vie psychique.


Elle concerne notre relation à Dieu si nous sommes croyants » (p 53, 54). J’ai souligné ce qui pose question. La vie spirituelle constitue-t-elle une « partie » de la vie psychique ? La notion de « partie », par opposition à ce qui est « essentiel » ou au « tout » ouvre la possibilité que cette partie puisse être développée ou non. Par ailleurs, cette « partie » « concerne notre relation à Dieu si nous sommes croyants » ?

Dans une vision vraiment chrétienne que représente le livre de Denis Biju-Duval[2], la question du rapport de l’ homme avec Dieu ne constitue pas une option, une partie surajoutée mais le « cœur » de l’homme, le centre de notre existence.

C’est là justement qu’une analyse psychologique pourrait se développer – ce sur quoi je conclurai.


Peut-être ai-je exagéré : il y aurait de toute façon une spiritualité mais pas forcément de la foi. Chez Pottier, l’analyse des quatre niveaux anthropologiques se réfère à des auteurs, saint Paul, Origène, saint Ignace et Kant, qui intègrent, chacun à sa façon, toutes ces strates et qui sont tous croyants ou théistes.

Mais que se passera-t-il si on choisit d’analyser ensuite la strate psychique en se référant à un auteur, Freud, qui au contraire exclut toute dimensions spirituelle[3] ?



[1]La fascination psychanalytique serait-elle une specialité jésuite ? Pottier cite à plusieurs reprises un « grand psychanalyste jésuite » , Louis Beirnaert qui nous dit, p 37 que l’Église canonise les saints lisses « au psychisme heureux » laissant les autres dans l’hanonymat des saints sans noms.

N’a-t-il jamais entendu parler du caractère de saint Paul, de la blessure en sa chair, de l’adolescence d’Augustin, de la déréliction qui affecte les plus grands mystiques ? Le « psychanalyste jésuite lacanien» (p 295) au chapitre 6 « analyse l’expérience d’Ignace uniquement sous l’angle intrapsychique » (p 298).



[2]Denis Biju-Duval, Le psychique et le spirituel, éditions de l’Emmanuel, 2001



[3]Et qui sous-estime aussi très gravement la causalité somatique : pour Freud, les psychose commencent dans la psyché et se somatisent ensuite dans le corps : un ami guitariste me racontait que son index était paralysé, après plusieurs consultations médicales, et avant qu’un kiné ne lui donne une solution, il s’est tourné vers une psy : « vous avec un complexe de castration mal placé ».


B Une approche psychanalytique de l’eucharistie ?


Chez Pottier, la spiritualité se surajoute donc a posteriori, apportant optionnellement un plus « symbolique » qui viendra après coup rajouter du sens à un processus psychologique « normal » c’est-à-dire s’expliquant de façon naturelle et psychanalytique : « Il me semble qu’un théologien ouvert peut admettre qu’il existe des processus psychologiques normaux à l’œuvre dans la création d’objets symboliques et que ceux-ci seront ensuite surdéterminés au niveau de la rationalité »[1] Toute son analyse part donc d’une description purement psychologique et distanciée de la messe pour arriver « ensuite » à la « présence réelle » qui n’est mentionnée qu’après dix pages de description (p 258) alors que c’est le fondement de l’expérience eucharistique. On découvre d’abord que les croyants parlent à un être physiquement invisible « comme si on était en présence de Dieu » et dialoguent avec un absent « comme si de rien n’était », puis dévorent Jésus dans un geste qui pourrait s’apparenter à du « cannibalisme » en voulant s’associer à la Passion tout en regrettant d’en être la cause ce qui constitue une « élaboration de la culpabilité » (p 256).

De la part d’un jésuite, on a du mal à comprendre le sens d’une telle distanciation où l’homélie sera décrite comme si on n’avait jamais assisté à une messe : « Une personne compétente commente aussi habituellement l’ensemble des lectures entendues » (p 255).


Pour un croyant, l’enjeu de l’Eucharistie n’est surtout pas d’éprouver des « fantasmes primitifs », ni même de constituer un « matériel symbolique » utile pour passer des angoisses. Pottier finit ainsi : « on parle chez les catholiques de présence réelle (…) formule qui peut paraître étrange. Mais elle pourrait s’éclairer par la question suivante : sommes-nous aussi présents au Christ que le Christ est réellement présent à nous-mêmes ? » (p258). Assimilée à ce dont « on parle chez les catholiques » et à une « formule étrange » la présence réelle n’est pas précisément définie comme « réelle » mais comme objet symbolique d’une attention : « présence à ». Grosse différence : la « présence réelle » est une réalité substantielle, un en soi ; la « présence à » est une relation, du pour soi. Vouloir se rendre présent au Christ est un pensée qui peut nous habiter toute la journée. C’est tout autre chose que la question qui habite notre « silence après la communion » inspiré justement par le caractère non pas symbolique mais réel et substantiel de l’eucharistie.


[1] p 250, je souligne tous les mots qui posent question). Notons qu’ici Pottier parle de l’Eucharistie qui fait partie du « système symbolique » qu’offre la religion (en général) et qui est donc curieusement « surdéterminée » sur un plan non pas de la spiritualité, comme on aurait pu l’espérer mais de la « rationalité ». Lapsus ?


C Le modèle freudien est-il « incontournable » pour comprendre l’homme ?


 Dans le chapitre II « Que sont la vie psychique et la vie spirituelle pour un « psy » ? », Dominique Struyf annonce d’abord une certaine distance envers les « modèles » : « Aucune théorie de référence, aucun modèle ne peut rendre compte totalement de la réalité subjective d’un être humain » (p 40). Mais ensuite la référence à Freud se fait on ne peut plus claire : « Pour comprendre le développement psychique, les modèles psychanalytiques sont incontournables (…) L’invention de la psychanalyse par Sigmund Freud fut une véritable révolution » (p 60).


Il faudrait donc reprendre la psychanalyse mais sans en faire un modèle, ou bien en ouvrant ses concepts, c’est ce que va faire Struyf. Est-ce possible ? Cela oblige à tordre la psychanalyse qui pourtant, dit Freud se comporte « comme le Dieu de l’Ancien Testament, elle n’admet pas qu’il y ait d’autres Dieux »[1]. Dans la dernière de ses Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Freud affirme que la psychanalyse fait partie de la vision scientifique du monde, la « Weltanschauung » (titre de la conférence) des sciences pour autant que « l’esprit et l’âme sont des objets de la recherche scientifique exactement de la même manière que n’importe quelle chose étrangère à l’homme »[2]. Retrouvant les intuitions aristotéliciennes, la phénoménologie s’était au contraire employée à récuser deux axiomes qu’il faut souligner dans cette phrase : pour autant que l’âme ou l’esprit ne constituent pas une entité étrangère mais ce qui soutient mon être comme sujet (subjectum, hypostasis) il est contradictoire de concevoir l’âme ou l’esprit dont chacun fait une expérience consciente immédiate comme un « objet » placé (jectum) devant (ob) soi ; une telle objectivation méthodologique est légitime lorsqu’on étudie les gaz, les nébuleuses ou la biologie cellulaire tandis qu’elle devient absurde lorsqu’on étudie l’homme, puis qu’alors on suppose que ce qui définit l’homme à ses propres yeux lui est une « chose étrangère ». Freud explique que l’être humain n’ajoute « aucune nouvelle source de savoir ou nouvelles méthodes de recherche ». Toute la déconstruction révolutionnaire des penseurs « post-modernes » s’annonce dans ces principes des « sciences humaines » ici définis par Freud : si l’homme est « une chose étrangère » et absolument inconnue, alors, pour expliquer ce phénomène, il faudra inventer, créer ex nihilo, des théories explicatives en s’affranchissant de tous les préjugés à travers lesquels on croyait le connaître – ce que la théorie freudienne de l’Inconscient prétend faire à la perfection. Que deviennent l’expérience philosophique et la connaissance théologique dans un tel contexte ? Des « matériaux symboliques » dont on peut au mieux expliquer l’utilité psychique.


Dès lors, associer Freud à la spiritualité revient à vouloir mélanger l’eau trouble de la psychanalyse au feu du christianisme : le second fera disparaître le premier à moins que le premier n’éteigne le second. Ce sont en fait les deux scénarios qui se produisent en alternance dans le livre de Pottier et Struyf. Pour forcer une impossible compatibilité, nos deux auteurs édulcorent les concepts freudiens au point de les rendre méconnaissables, si bien qu’on se demande ce qu’ils ont encore de freudien. Que devient ici l’Inconscient freudien, ce fameux réceptacle des névroses, des pulsions sexuelles refoulées ? « La psychanalyse et les thérapies d’inspiration psychanalytique ont pour objet la vie intrapsychique, la vie intérieure de la personne » (p 53). Définition équivoque. Faut-il voir ici l’espace intérieure[3] de saint Augustin ou sainte Thérèse ou supposer sous cette expression le réceptacle freudien de nos pulsions érotiques refoulées par la censure du Surmoi ?


Plus loin l’âge « anal » désigne l’intériorisation de la loi. Rappelons que « anal » renvoie à l’anus et chez Freud à un « érotisme anal » auquel s’attache « l’intérêt pour le vagin »[4].

Quelle pertinence y a-t-il à mélanger l’anal avec la maturation psychologique de la conscience morale ?


Même procédé pour l’œdipe. Rappelons que, dans l’interprétation psychanalytique du mythe d’œdipe, tout adulte est censé percevoir par « auto analyse » qu’il a désiré épouser sa mère et évincer son père. Au départ l’enfant fusionne avec sa mère et éprouve du coup une attirance passive pour son père, de là la « bisexualité originaire ». Lorsque l’enfant découvre qu’il n’est pas le seul objet de l’amour maternel, il en déduit qu’il lui manque quelque chose nommé... « phallus ». Ce manque induit le sentiment de castration qui sera résolu très différemment chez le garçon ou la fille. Le garçon voudrait conquérir sa mère mais y renoncera en s’identifiant à la loi du père, la fille résoudra la castration en désirant avoir un enfant « substitut phallique » avec son père puis avec un autre lorsque le complexe sera résolu. Lorsqu’on n’est pas subjugué par l’assurance avec laquelle Freud assène ses théories, ni intimidé par la très apparente scientificité de son travail, ni fasciné par l’étrange vision qu’il nous donne de nousmêmes, on ne peut qu’être étonné par l’aplomb avec lequel Freud avance des théories qui réduisent l’être humain à des pulsions anales, incestueuses etc. Cela est-il vraiment « incontournable » ?


Struyf :« à trois ans le petit garçon découvre qu’il n’est pas le seul à être aimé de sa mère » (p 79). Pas avant, ni après ? Et la fille ? Est-ce le père qui sépare, ou bien les autres frères et sœurs ? L’amour de l’enfant est-il vraiment de nature sexuelle ? Boire au sein maternel constitue-t-il indiscutablement une expérience sexuelle primitive et originaire ? Le suçotement doit-il forcément être vu comme une conduite masturbatoire ? « La rivalité, la jalousie et la haine qui y sont liées, angoissent et tourmentent l’enfant » (id). Haine, forcément ? Je n’ai rien vu de tel chez mes enfants, c’est grave, docteur ?


Comme souvent chez les néo freudiens, des affirmations péremptoires sont entre-coupées par des évidences presque indiscutables si bien que le mélange des deux semble crédible alors qu’un minimum d’esprit critique montre que les évidences, généralement d’ordre moral, ne doivent strictement rien aux assertions psychanalytiques. Ainsi, pour apaiser la rivalité, nous dit Dominique Struyf : « il faut que chacun se sente respecté et invité à respecter l’autre » (p 80).

Ai-je vraiment besoin de Freud pour comprendre cette évidence morale ? « La traversée des angoisses œdipiennes permet de trouver sa place dans un groupe sans avoir besoin de prendre toute la place » (p 81). Là encore je ne vois pas pourquoi nommer « angoisse oedipienne » la thématique classique de l’égocentrisme et de la jalousie – sauf à vouloir à tout prix garder un vernis psychanalytique. Mais pourquoi faire ? Pour plaire à qui ?


Plus loin, Bernard Pottier renchérit : « Le stade œdipien est abondamment illustré dans la Bible » (p 102). Où par exemple ? Il trouve le « triangle œdipien » dans la magnifique complainte d’Osée, mari trompé, miroir de la tristesse de YHWH trahi par Israël. Un mari trompé, ce n’est pas exactement un petit garçon amoureux de sa mère, à moins de réduire l’œdipe à un simple problème de jalousie, et encore ! personnellement je n’appelle pas « jalousie » le souhait (décrit par Osée) de garder sa femme dans une fidélité monogame. Alors pourquoi ramener cela à une « triangulation œdipienne » ?


Les analyses que le père Olivier Bonnevijn[5] donne de l’homosexualité sont , elles aussi, troublées par un soudain assujettissement aux autorités psychanalytiques : il part du concept freudien de « bisexualité psychique » et, sans la définir comme une attirance sexuelle passive du garçon pour son père au moment même où il rêve de coucher avec sa mère, Bonnevijn en fait une « structure individuelle dynamique qui rend la personne capable d’intérioriser et de reconnaître le masculin et le féminin » (p 136). Serions-nous revenus à l’épistémologie empédoclienne où seul le même reconnaît le même ?

Dois-je me sentir femme pour comprendre les femmes ? Le vétérinaire doit-il se sentir chien pour soigner les canidés ?

L’un étant le contraire de l’autre, il ne me semble ni évident ni logique d’affirmer que la « bisexualité psychique originaire » fonde la différenciation des sexes par un « travail de maturation des pulsions » (id) qui aboutira à une décentration de la libido ouvrant sur une sexualité de la fécondité. Estce par la bisexualité qu’on peut fonder la différenciation ?

Ne serait-ce pas plutôt malgré elle et surtout par une spiritualisation éthique de nos désirs, que du reste, Bonnevijn décrit magnifiquement par la suite ?

On pourrait plus généralement récuser la fumeuse théorie de l’Oedipe et revenir au bon sens qui ne voit rien de sexuel dans l’amour d’un enfant pour sa mère L’enfant qui tête le sein maternel éprouve de la joie et du plaisir. Au nom de quoi faudrait-il universaliser[6] les névroses obsessionnelles de monsieur Freud et voir du sexe partout où il y a de la joie et du plaisir ?

Faut-il vraiment nommer « bisexualité » l’amour d’un enfant pour ses deux parents ?

Bonnevijn cite de très beaux passages d’Antatrella. Mais une fois encore, avons-nous besoin de partir des concepts freudiens pour développer une analyse pertinente de la détresse homosexuelle ?

Dans le chapitre VI de mon livre[7], je suis parti d’une analyse phénoménologique (simple interprétaion de notre expérience) du désir humain, de la différence entre une sexualité possessive et dominatrice d’une part, et une sexualité oblative et communitive d’autre part, pour montrer une autre approche de la détresse homosexuelle, approche que rejoignaient les témoignages donnés à Paray-le-Monial l’été 2014[8].


Faut-il miser autant sur une bien hypothétique « bisexualité originaire » ? « Sous son impulsion, en effet, les pulsions vont peu à peu se tourner vers la relation à autre que soi ». Est-ce vraiment la « bisexualité originaire » qui nous élève à la relation ? Ne serait-ce pas plutôt le travail de la morale voire l’impulsion de notre spiritualité ?



[1]Propos rapporté par Theodor Reik, dans Trente ans avec Freud.



[2]Éditions folio essai, p 212.



[3]Titre d’un très beau livre de Jean-Louis Chrétien, éditions de Minuit, 2001, qui souligne trois « paradoxes » de l’intériorité psychanalytique qui faisait de l’antichambre (Inconscient) la pièce principale de notre intériorité, et montre combien l’analyse du rêve par Bergson était différente et pertinente – elle qui est confirmée par les neurosciences. Mais surtout Chrétien décrit avec un bonheur incomparable la véritable intériorité qu’habitent les auteurs mystiques.



[4]Freud, id, p 137.



[5]Olivier Bonnevijn, Éthique sexuelle et familiale, éditions de l’Emmanuel, 2001, chapitre V.



[6]C’est le reproche que développe longuement Michel Onfray à la psychanalyse dans Le crépuscule d’une idole.



[7]Pierre Labrousse, la sagesse du désir, DMM, 2015 où l’homosexualité est abordée comme une « blessure du rapport à soi » (p 184).



[8]Session sur « courage », témoignages poignants de Xavier et de Philippe Arino.



D Quelle place la psychanalyse donne-t-elle aux facultés rationnelles ?     


 Le père Pottier annonçait au départ vouloir distinguer quatre niveaux anthropologiques. Or Freud exclut du « domaine de la connaissance » non seulement l’art et la religion, mais aussi la philosophie (p 213) balayant Kant au bénéfice d’un contresens ahurissant[1] alors même que Pottier citait Kant aux côtés de Saint Paul et saint Ignace (p 15). Des analyses peuvent-elles se compléter quand elles se contredisent, notamment sur la question centrale de la liberté ? Peut-on unifier les dimensions de l’être humain en plaçant en son centre une dimension qui par définition et par méthode exclut toutes les autres et surtout le spirituel ?


Lorsque Dominique Struyf justifie le caractère « incontournable » du modèle de Freud, elle explique que « la découverte de l’Inconscient a ébranlé la foi en la toute puissance de la volonté » (p 60). Cette affirmation est triplement discutable. Freud a-t-il fait la « découverte » de l’Inconscient ? On savait au moins depuis Leibniz et ses « petites perceptions », que l’homme ne se connaît pas soi-même. Et Freud ne découvre pas l’Inconscient comme Colomb l’Amérique : il échafaude une théorie selon une méthode dont Karl Popper a magistralement démontré le caractère non scientifique puisque non « falsifiable »[2]. Que suggère « ébranler la foi » ? La volonté fait-elle l’objet d’une « foi » chez les gens et les philosophes ? S’il y eut ébranlement, on le dut d’abord à Nietzsche qui faisait de la volonté une « chose complexe qui n’a d’unité que son nom ». Mais, pour comprendre l’homme, un chrétien doit-il vraiment reprendre les intuitions de ceux qui disent que Dieu est mort ? N’avons-nous vraiment, en deux mille ans de culture chrétienne, aucun texte à découvrir – ou redécouvrir - pour connaître et comprendre l’être humain dans sa fragilité ? Dans la psychologie thomasienne, l’homme connaît sa volonté, comme les autres facultés, en réfléchissant sur ses actes. Assimiler à de la « foi » la réflexion rationnelle sur une donnée de l’expérience, cela mériterait un minimum d’argumentation. Mais le plus gênant arrive maintenant : en quoi pouvait bien consister la foi en la « toute puissance de la volonté » ? Contrairement à ce qu’ajoute Struyf, on n’a pas attendu Freud pour que « chacun se découvre en proie à des conflits intérieurs, des angoisses, des pulsions et des désirs contradictoires ». Cela s’appelle : les dilemmes cornéliens, les conflits raison-passion, l’hybris, la folie, les émotions, les habitus vicieux ou vertueux, l’influence des humeurs et du Cosmos, la mélancholia etc. Où Struyf croit-elle trouver une telle « toute puissance de la volonté » ? Je ne vois qu’une réponse : dans l’affirmation que l’autodétermination[3] de la volonté fonde le libre arbitre – thèse effectivement contraire au déterminisme matérialiste et scientiste de Freud. Mais alors, que reste-t-il des facultés rationnelles de l’homme si l’autodétermination de la volonté s’apparente à une « toute puissance » dont il fallait que Freud nous désillusionne ? Que reste-t-il de la libre responsabilité de l’être humain face à son éternité si le libre arbitre (réaffirmé depuis saint Augustin et saint Thomas jusqu’aux Conciles et au catéchisme catholique) se réduit à une croyance illusoire ? Et si Dominique Struyf nous parle d’autre chose, alors de quoi ?


On voit bien que l’anthropologie psychanalytique ne peut pas s’insérer comme un intermédiaire entre le corps, la raison et l’esprit : elle est méthodologiquement exclusive de toute autre approche. Méthodologiquement parce que Freud conçoit le psychisme en général à partir des brisures psychiques des psychopathes. Imaginez un oncologue qui définirait la santé en généralisant l’état d’un cancéreux[4] en phase terminale.

C’est pourtant exactement la méthode qui aboutit aux différentes topiques freudiennes : « la pathologie peut, en les agrandissant et en les grossissant, attirer notre attention sur les conditions normales, qui, autrement, nous auraient échappé. Là où elle nous montre une cassure ou une fissure, il peut y avoir, normalement, une articulation »[5].

Si la pathologie nous montre la normalité, on comprendra aussitôt pourquoi la philosophie et la religion n’ont jamais rien compris à la nature humaine : thèse que Freud développe longuement[6].


Pottier se réfère à la phénoménologie (p 250), disant que les phénoménologues ont en gros les mêmes tendances réductionnistes que la psychanalyse.

Pourtant, comme je viens de la rappeler, toute la phénoménologie se construit sur le refus du réductionnisme naturaliste qu’incarne Freud, et c’est à ce courant que se réfère constamment Frankl. Il ne me semble pas que Max Scheler ou Edith Stein réduisent le spirituel à un « matériel symbolique ».

Même le pas très catholique Heidegger, lorsqu’il s’essaye à une Phénoménologie de la vie religieuse[7] s’impose une méthodologie très respectueuse de la spécificité de son objet : « l’autonomie du vécu et de son monde doit être envisagée comme une intentionnalité absolument originaire » au point que : « le travail contemporain en philosophie de la religion s’accomplit en majeure partie dans la théologie elle-même » (p 32) travail que tente au moins Heidegger à travers une lecture suivie de saint Paul, des Confessions et de Maître Eckhart.


E Approches alternatives ?


E 1 Frankl


Dans Retrouver le sens de la vie, Viktor Frankl explique comment il a lutté contre les pulsions suicidaires de 12 000 patients dans le plus grand hôpital d’Autriche.

Quelle furent ses succès, comparativement à ceux de la psychanalyse réputée « incontournable » ?

Vaste question[8].


Frankl identifie une « triade tragique » : souffrance, culpabilité, mort. Il propose trois pistes : « 1 – changer la souffrance en motif de réalisation et d’accomplissement ; 2 – tirer du sentiment de culpabilité l’occasion de changer soi-même pour le mieux ; 3 – déduire du caractère éphémère de la vie l’envie d’opter pour une conduite responsable » (p 114).


Pas question ici que le psy s’érige en médiateur indispensable entre le patient et son propre psychisme pressenti comme insaisissable. Deux personnes se parlent sur un registre moral, conscient, spirituel. Il ne s’agit pas non plus d’une autosuggestion ou « hyper intention » qui au contraire joue, dit Frankl, un rôle important dans le déclenchement de certaines névroses comme par exemple la frigidité ou l’impuissance : « Ainsi plus un patient, au lieu de s’oublier lui-même en se donnant tout entier, se met en tête d’atteindre l’orgasme, plus sa recherche obstinée du plaisir s’avère décevante. Et là bien entendu, ce que la psychanalyse appelle le « principe de plaisir » devient plutôt un brise joie » (p 115).


[1]Id p 218 : évoquant la sentence que Kant fit graver sur sa pierre tombale « Le ciel étoilé au-dessus de moi, la loi morale en moi » Freud s’interroge ironiquement « qu’estce que les corps célestes peuvent avoir à faire avec la question de savoir si un être humain en aime un autre ou le tue ? ». Grotesque: Kant ne relie pas les étoiles et la morale mais rappelle que, dans sa philosophie, les deux sources de connaissances (raison théorique, science de la nature ; raison pratique, morale) se trouvent en nous bien qu’une transcendance s’impose en notre intellect.


[2]Popper, Conjectures et réfutations, le cas de Freud est présenté comme l’exact contraire de l’attitude scientifique : c’est un cas de « vérificationnisme » où l’auteur d’une théorie n’envisage à aucun instant la possibilité que sa théorie soit fausse. Popper décrit les réactions non scientifiques et même malhonnêtes de Freud face au cauchemar présenté comme un contre exemple qui dément sa théorie du rêve.


[3]Le chapitre IV de mon livre en fait une longue analyse que j’espère éclairante.


[4]Dans Le normal et le pathologique, Canguilhem montre que le corps « fait »une maladie pour s’adapter aux conditions dégradées imposées par la pathologie : la maladie, les symptômes (comme la fièvres) témoignent de cet effort pour imiter au mieux la normalité malgré la pathologie. Mais que deviendrait une médecine définissant la santé à partir de l’étiologie ?


[5]Freud, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Folio, P 82.


[6]Op. CIT. « Sur une Weltanschauung. »


[7]Cours de 1920.


[8]Chapitre 7 : les fondements philosophiques de la logothérapie. Frankl ne précise pas ici les résultats statistiques de ses pratiques : on peut les imaginer satisfaisantes puisque Frankl, jeune médecin continua à pratiquer dans la ville même de Freud. Quant aux résultats thérapeutiques de la psychanalyse, le Livre noir de la psychanalyse, édition les arènes, 2005, décrit la « controverse de Paris » qui vit le ministre de la Santé retirer du site officiel le rapport de l’INSERM qui montrait que les TCC guérissaient 15 troubles sur 16 testés (P 332), les thérapies familiales 5 sur 16, la psychanalyse une seule. Songeons aux interprétations œdipiennes de l’autisme (La forteresse vide de Bruno Bettelheim) qui ont culpabilisé des générations de mères tandis que la médecine explore aujourd’hui avec succès des pistes génétiques et surtout l’influence bactérienne de la flore intestinale (prix Marcel Dassault donné en décembre 2017 au projet MicrobiAutisme).


 E 2 Biju-Duval       


Trois choses à noter. D’abord, la psychologie freudienne est critiquée : « Dans la perspective freudienne de l’homme, ses véritables profondeurs sont celles du ça, elles relèvent du fonctionnement des désirs sexuels inconscients ». Biju-Duval lui reproche de nier le libre arbitre en réduisant l’homme « à la nécessité de son fonctionnement psychologique ».

On comprend aussi pourquoi chez Pottier, la description, même de la messe, semble curieusement distanciée : l’écoute psychanalytique saute par-dessus le discours conscient vers une reconstitution interprétative de l’Inconscient : « le psychanalyste n’écoute pas ce que je dis en tant que tel, mais il l’entend seulement comme un fait révélateur de mes fonctionnements inconscients »[1].


Ensuite, les analyses de Frankl sont reprises avec enthousiasme, avec deux réserves principales qui sont infiniment moins graves que les critiques qu’il faut retenir contre la psychanalyse. Frankl différencie le « spirituel » des particularités religieuses recroquevillées sur la « mesquinerie confessionnelle »: étant donné que le spirituel dont il parle constitue le thème d’une approche naturelle, psychologique, thérapeutique, il est même préférable qu’il soit distingué du spirituel surnaturel. Frankl n’a pas une vision rationnelle réaliste de la conscience morale qu’il identifie à une intuition mais Biju-Duval la rapproche à son tour de la syndérèse thomasienne.


Enfin Biju-Duval ouvre quelques pistes sur la guérison psychologique par le spirituel- thème que je vais esquisser pour finir.


E 3 Un Inconscient spirituel ?


En partant du principe que la réponse de l’homme à Dieu constitue la question fondamentale de notre existence, il semble logique que cette réponse détermine plus qu’on ne le croit, le reste de notre psychologie. Par exemple le thème de cette relation est déterminant même pour quelqu’un qui se dit athée. Cette relation doit alors être envisagée comme une dimension réelle bien que non clairement consciente.


Il ne s’agit nullement de dire que l’athée est croyant sans le savoir, mais que, même chez lui, la relation de la créature à son créateur constitue la détermination fondamentale de son existence. Où en est-il au juste de cette relation. Simone Weil[2] et son « athéisme purificateur » rejoint les intuitions de saint Augustin[3]. Pour Simone Weil il faut être athée avec la partie de notre être qui n’a pas rejoint Dieu. Autrement dit il ne faut pas mentir : lorsqu’on parle de Dieu là où on ne perçoit pas l’immanence de sa transcendance, alors c’est qu’on a réduit Dieu à une fonction, une habitude, une idée psychologiquement utilisable, un cocept, une idole comme dirait Jean-Luc Marion. Dieu est au contraire au-delà de toute approche utilitariste[4], au-delà de toute fonction.

Partout où il est réduit à une fonction, on le transforme en idole, c’est-à-dire en une image où l’homme se regarde soi-même dans un miroir agrandi et simultanément réducteur. Or cette religiosité biaisée peut affecter la tension spirituelle des croyants et susciter un légitime rejet d’incroyants qui conserveraient donc, sans bien le savoir, une plus authentique tension spirituelle.


Qu’en est-il vraiment de ma relation à Dieu au-delà de la représentation que je me fais de lui ? Pour celui qui se déclare incroyant, une question reste à poser : de quel Dieu est-il athée ?

Ce questionnement pourrait ouvrir la voie d’une déstabilisante apologétique de l’apophatisme ( c’est ce que je pratique en classe).


Et nous, avons-nous vraiment la foi que nous pensons avoir ?

Si nous avions la foi gros comme un grain de sénevé, nous dirions à cette montagne de se lever et elle se soulèverait. Comme les apôtres, nous croyons et pourtant manquons de foi.

La « foi » ne s’identifie donc pas à ce que nous confessons. Comment se fait-il que nous étouffions si souvent cette semence ? Si nous savions vraiment ce qui se produit lorsque nous communions, nous en mourions, disait le curé d’Ars. Manifestement nous ne savons pas. Ces choses se produisent en nous sans que nous en ayons clairement conscience.


La réalité de notre vie spirituelle échappe à notre conscience. Or elle est la dimension fondamentale de notre existence. Ces deux énoncés pourraient constituer les principes d’une psychologie à inventer. Par ailleurs, les gens sont certainement plus qu’on ne le pense blessés dans leur être par la faiblesse de leur relation avec Dieu. Ici Biju-Duval, reprenant Frankl, ouvre des pistes.


F Deux difficultés


F 1 Jésus-christ thérapeute ?


On objectera que le Christ n’a aucunement dirigé ses disciples vers une introspection. Il ne nous a donné que l’essentiel : ni consigne politique, ni science, ni morale. La science peut se développer indépendamment de la question de notre relation à Dieu puisqu’elle étudie les relations logiques et mathématiques à établir entre les choses. Pour la morale et la politique, on voit que c’est déjà plus difficile car ce que nous faisons aux hommes nous le faisons à Dieu. Mais, Jésus n’ayant pas essayé de fonder une société, n’ayant nullement cherché à prendre le pouvoir politique « Mon royaume n’est pas de ce monde » il appartient à la raison de voir quel type de société est plus propice que d’autres à disposer les citoyens à pratiquer les vertus évangéliques.


Depuis saint Thomas d’Aquin, c’est toujours à partir de la raison naturelle et selon son mode propre, que se développent des doctrines philosophiques à l’intérieur desquelles la raison collabore à l’expression de la foi. A son époque personne n’imaginait l’existence d’une discipline analogue à ce que nous appelons psychologie pratique ou psychopathologie. Le siècle dernier a inventé cette discipline mais en dehors et même à l’encontre de toute perspective spirituelle. Tant que les profondeurs de notre psychisme ne sont pas définies à la lumière de notre réalité spirituelle première, on ne peut que passer à côté de l’essentiel.


Or on trouve de nombreux récits de guérisons dans les Évangiles. Jésus guérit des maux pour lesquels l’homme était impuissant, c’est peut-être pourquoi il n’a pas « guéri » la société de la pauvreté ou des injustices pourtant criantes qui sévissaient dans le monde romain : esclavage, crucifixions, jeux du cirque, prostitution etc. Que peuvent les sacrements et la prière contre certains troubles psychologiques ? La question vaudrait la peine d’être posée. Frankl dit guérir des patients en les convainquant de donner un sens à leur vie. Quoi de mieux que la spiritualité chrétienne ?


F 2 Instrumentaliser la spiritualité ?


C’est un risque qu’évoque Biju-Duval et auquel il répond en rappelant que les motivations des gens qui venaient à la rencontre du Christ n’étaient que rarement désintéressées. Le problème est surtout que les guérisons et les miracles relèvent d’une parfois troublante liberté divine. Pourquoi guérir celui-ci et pas cet autre ? Pourquoi apparaître à ceux-ci et non pas à cet autre ? Cette liberté du surnaturel vient nous rappeler que, justement, le surnaturel est non asservi à la régularité des lois naturelles.

Mais du coup cette liberté rend la guérison spirituelle imprévisible non reproductible et inaccessible à tout protocole expérimental. A moins de revenir à Frankl et de souligner qu’en redonnant un sens à sa vie, en étirant à nouveau la tension spirituelle qui dynamise le centre de notre être, nous pouvons déjà guérir, ou du moins progresser mieux que ne le font des années de psychanalyse, simplement par la recherche d’une transcendance. Et si la Grâce vient en plus, Alléluia !


[1]Id. p 140 : ici il paraphrase les commentaires de Jung.


[2]La pesanteur et la grâce, Pocket p 131 : « l’athéisme purificateur.


[3]« Si tu as compris, c’est que ce n’était pas Dieu », thématique de la théologie négative depuis Denys l’Aréopagite.


[4]Ici ou pourrait même dire que l’utilisation du « matériel symbolique » comme aide à passer des angoisses enfermerait définitivement le patient croyant dans une vision idolatrique de Dieu.


Conclusion   


Il reste d’innombrables choses à inventer dans le domaine de la psychologie qui se situe à mi chemin entre la liberté et les déterminismes physiques du corps, entre la chair et le cœur, entre la maladie et les vices, entre le rationnel et l’irrationnel, entre le péché et la Grâce.

Mais les concepts psychanalytiques n’offrent aucune pertinence : parce qu’ils sont fondamentalement faux – et tout le monde commence à l’admettre.

Si dans les années 80 on plaisantait en disant que les derniers communistes seraient des curés, il serait risible mais aussi tragique qu’au XXI les derniers psychanalystes soient des jésuites.

Il est plus que temps de libérer l’Église de cette écrasante et inféconde tutelle intellectuelle. Cela n’implique qu’une seule chose : avoir le courage de retrouver dans la tradition le pouvoir d’inventer, avoir l’audace de penser par soimême, avoir la charité d’écouter les gens, en prêtant attention à ce qu’ils veulent dire et non pas en cherchant à retrouver ce que ça veut dire.


Pierre Labrousse



Colmar, le 18 décembre

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