Sainte Richarde

Plaidoyer pour une Sainte alsacienne : Sainte Richarde.

Sainte Richarde a vécu au IXème siècle. C’est une sainte alsacienne dont l’histoire est fortement rattachée à Andlau, ville du Bas-Rhin. En temps qu’impératrice et femme de Charles III, dit le Gros, son histoire est fort mouvementée.

En effet, le IXème siècle est une période des plus troublées. L’immense Empire de Charlemagne se désagrège peu à peu. Ses descendants, Charles le Chauve, Lothaire et Louis II le Germanique, se querellent à propos du partage du Saint Empire romain germanique. C’est une suite presque ininterrompue de conflits, de traités rompus dès que signés, de massacres, de traîtrises en tous genres. Fils de Louis II le Germanique, Charles III, dit le Gros, est couronné Empereur d’Occident avec sa femme Richarde en l’an 881.

L’Alsace appartenant à cet empire, Sainte Richarde a sûrement joué un rôle important dans l’histoire de notre région.

Dans la vie de Sainte Richarde d'Andlau, où se mélangent réalité historique, légende et mythe, nous retenons que Sainte Richarde est noble fille des anciens ducs d’Alsace de la lignée de Sainte Odile., fille du duc Erchanger d'Alsace elle sera impératrice et fondatrice d'Andlau. Nous sommes à la fin du IX° siècle et peu importe les péripéties que lui fit vivre son époux l'empereur Charles le Gros dans le but de la répudier, intéressons-nous à sa légende.

Ne voulant rien entreprendre sans avoir consulté Dieu dans la prière, Richarde monta à Hohenbourg, où elle avait fait enterrer ses parents. Là-haut, loin du bruit du monde, loin des soucis et des grandeurs du trône, dans la solitude des forêts et entre les murs silencieux du cloître, sur la tombe de Sainte Odile et de son père, qu'elle vénérait comme un saint, elle supplia Dieu de lui faire connaître sa sainte volonté. Sa prière fut exaucée. Pendant son sommeil, elle vit un ange descendre de la voûte étoilée du ciel. "Descends, lui dit-il, jusqu'au bas de la montagne, dans les domaines que tu as reçus de ton père ; avance jusqu'à la rencontre d'une ourse accompagnée de ses petits et grattant la terre. Là, tu construiras un monastère". Richarde, docile aux ordres d'En-Haut, descendit rapidement de la montagne, non pour aller à la recherche d'une ourse : la rencontre d'une pareille bête, alors fort commune dans les forêts des Vosges, n'aurait eu rien de bien merveilleux. Il n'y avait pas non plus, à cette époque, les beaux sentiers balisés qui rendent aujourd'hui les randonnées si agréables dans les environs du mont Sainte-Odile. Richarde, en quittant Hohenbourg, se rendit à la chapelle de Saint-André, où des moines du monastère d'Etival célébraient le service divin. De cette hauteur, sur laquelle s'élève aujourd'hui encore, dans le cimetière d'Andlau, la chapelle de Saint-André, Richarde aperçut sans doute à l'entrée de la vallée, à la lisière de la forêt, une ourse. Poussée par un mystérieux pressentiment, elle suivit la bête et vit comment, à quelques pas dans la forêt, elle grattait la terre. L'impératrice s'arrêta et devant ce spectacle elle mit pieds à terre, malgré les recommandations de prudence des gens qui l'accompagnaient. Déjà la tête de l'ourse lui montra le corps figé de son ourson reposant à ses pieds. Des larmes coulaient des yeux de la bête. Dame Richarde prit l'ourson dans ses bras et le réchauffa contre son sein. Mais le petit ours n'était qu'engourdi et il se mit rapidement à gambader sur le chemin. Alors l'ourse noire se mit à faire la belle, montrant ses gencives rouges, et à lécher l'impératrice, qui n'en demandait pas tant...


Les chevaliers avaient mis pied à terre à leur tour, et regardaient ce prodige. L'ourse, pour marquer sa reconnaissance, vint poser son nez froid sur le bout des doigts de Dame Richarde. Elle commanda aussitôt que des maçons de Barr vinssent bâtir un grand couvent pour les pauvres et les déshérités. Et l'on dit qu'au jour de la consécration du couvent, les ours de la vallée d'Andlau vinrent très respectueusement adorer le Créateur.

On dit aussi que l'impératrice une fois décédée, l'ourse gratta la terre comme sur la route, mit à jour le corps de Richarde, tenta de la réchauffer, gémit toute une nuit, et mourut à son tour.

Voilà l'histoire de Richarde. C'est en souvenir d'elle que les montreurs d'ours, quand ils passent à Andlau, sont logés et nourris aux frais de la cité, pour la plus grande gloire de cette impératrice bienfaisante et douce, qui savait attendrir le coeur même des bêtes féroces. Et ceux qui veulent vérifier cette légende pourront toujours se rendre à Andlau où, encore de nos jours, en se donnant la peine de soulever une petite trappe située dans la crypte de l'église de ce village, l'on peut découvrir le rocher que l'ourse gratta et même si l'on est observateur y voir les traces de ses griffes.

Bien au-delà de la légende, et sur le plan de l'allégorie, nous savons que l'ours représente le monde celtique. On retrouve artos, le nom celte de l'ours, dans l'irlandais art, le gallois arth et le breton arzh.

Son nom se retrouve également dans celui du souverain mythique Arthur. L'ours, qui représente la force détentrice du pouvoir temporel est l'emblème du roi et de la classe guerrière, celle des Chevaliers, tandis que le sanglier est celui de la classe sacerdotale, celle des druides. Les relations entre l'ours et les deux constellations de la Grande et de la Petite Ourses, dénommées par ailleurs "le Char d'Arthur", ont donné lieu à de nombreux développements mythiques. La Grande Ourse assume le rôle de garante du lever et du coucher du soleil, d'autant plus aisément qu'elle ne connaît ni lever ni coucher, qu'elle ne s'abaisse jamais sous l'horizon, qu'elle peut présider ainsi aux cours des autres étoiles qui, elles, ont un lever et un coucher, comme au reste le soleil.

Ainsi, Sainte Richarde, l'impératrice-abbesse, concentre en elle le pouvoir royal et le pouvoir sacerdotal. Dans cette légende, et de par sa relation à l'ours, elle christianise un lieu dédié à une forme de religion antérieure, imitant en ceci de nombreux saints. C'est souvent ce type de légende qui permet de passer de l'antique religion des druides à la religion chrétienne, qui sur le plan des symboles en est la continuatrice directe, plus particulièrement sur cette terre d'Alsace. Cette alliance de l'ourse et de Richarde représente la fusion de la tradition celte avec la religion chrétienne.



GB

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