Le silence

Le silence

Mozac(prononcer Moza) est une petite ville dans le département du Puy-de-Dôme, près de Riom et Volvic et au nord de Clermont-Ferrand. Cette ville est surtout connue pour son église abbatiale.

Fondée au 7ème siècle, l'abbaye de Mozac a été pour ses deux premiers siècles un important centre régional religieux. Puis, elle a été placée sous la dépendance de Cluny en 1095. Elle faisait donc partie de ces lieux qui ont contribué à l’extraordinaire rayonnement de l’Abbaye de Cluny du Xe au XVIIIe

siècle : rayonnement spirituel, artistique, économique, politique et social. Ce qui rend l'église de Mozac particulièrement intéressante, ce sont ses chapiteaux qui, pour le mérite de l'exécution, peuvent se comparer aux meilleurs d’Auvergne. Ils présentent des scènes propres à éduquer, émouvoir ou  simplement distraire le bon peuple.

Parmi ceux-ci, il en est un dont l’iconographie est unique dans l’Occident chrétien de l’époque romane : elle est la retranscription fidèle du chapitre 7 verset 1 de l’Apocalypse selon saint Jean où quatre anges empêchent aux quatre coins de la Terre quatre vents de souffler : « Après quoi je vis quatre Anges, debout aux quatre coins de la terre, retenant les quatre vents de la terre pour qu'il ne soufflât point de vent, ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre ». On l'appelle donc les « quatre anges et quatre vents » ou bien chapiteau dit de l’Apocalypse.

Une autre interprétation, issue d'un esprit trop subtil pour se contenter d'une simple lecture littérale au premier degré, voit dans la corne que tiennent les personnages le symbole de la parole, diffusée aux quatre vents. Les anges fermeraient le bec à ces gens qui, faisant mauvais usage de leur langue, ne méritent pas de s'exprimer.

Leur bavardage, leur babillement les empêchent de contempler la Vérité, le mystère dans le sens le plus

noble du terme. Nous sommes littéralement dans le domaine de l'inexprimable. Seul le silence permet une communication avec Dieu au travers de la manifestation. Non seulement ce n'est que dans et par le silence que cette communication peut être obtenue, parce que le grand mystère est au-delà de toute forme et de toute expression, mais le silence lui-même "est le grand mystère". Le langage est tellement impuissant à exprimer la plénitude du mystère.

C’est la raison pour laquelle le silence absolu de la méditation est d’une importance suprême. Nous ne cherchons pas à penser à Dieu, à parler à Dieu ou à imaginer Dieu. Nous nous tenons dans ce silence stupéfiant, ouvert au silence éternel de Dieu.

Mais déjà, le mot « silence » dénature l’expérience et peut faire peur à beaucoup de gens, parce qu’il suggère une expérience négative, la privation de son ou de langage. De même que tout temple est érigé sur une crypte, de même l'homme, qui est à l'image du Temple, possède une crypte silencieuse au sein de laquelle, ses intuitions puisent leurs forces. Le silence de la prière n’est pas l’état

pré-linguistique mais post-linguistique dans lequel le langage a accompli sa tâche de nous conduire à travers et au-delà de lui-même et de tout l’univers de la conscience mentale. Le silence éternel n’est privé de rien, et il ne nous prive de rien, il nous met en relation avec le Tout, Dieu.

C’est le silence de l’amour, de l’acceptation sans condition.

Un autre message encore dans ce chapiteau : les anges sont nos médiateurs. Notre ange gardien en particulier, bien qu'il soit toujours avec nous et veille constamment sur nous, il ne cesse jamais d'être en présence de Dieu et de l’adorer.

Par médiation des anges il faut comprendre les relations qu'ils entretiennent entre Dieu et nous, et les services qu'ils nous rendent soit dans l'ordre temporel soit dans l'ordre plus éte ndu du salut des âmes. La médiation des anges répond donc aussi à l'office de la garde des hommes et de la bienveillance à leur égard, tel que sur ce chapiteau.

Car Dieu envoie ces esprits bienheureux pour qu'ils remplissent le rôle de protecteur.


IL les charge de veiller sur nous.

IL leur demande de se faire nos pédagogues, nos guides sur nos chemins. 


Dans son dernier livre : « la force du silence », le cardinal Robert Sarah écrivait : « Le silence sacré est donc le lieu où nous pouvons rencontrer Dieu, parce que nous venons vers lui avec l'attitude juste de l'homme qui tremble et se tient à distance tout en espérant avec confiance.

C'est par l'adoration que l'humanité marche vers l'amour. Le silence sacré ouvre au silence mystique, plein d'intimité amoureuse.

Sous le joug de la raison séculière, nous avons oublié que le sacré et le culte sont les seules portes d'entrée de la vie spirituelle.

Je n'hésite donc pas à affirmer que le silence sacré est une loi cardinale de toute célébration liturgique.

Dans le bruit, l’homme ne peut que déchoir dans la banalité : nous sommes superficiels dans ce que nous disons, nous prononçons des discours creux, où l’on parle et parle encore… jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose à dire, une sorte de « mélimélo » irresponsable fait de blagues et de mots qui tuent.

Nous sommes superficiels aussi dans ce que nous faisons : nous vivons dans une banalité, prétendument logique et morale, sans rien y trouver d’anormal. »


Gilbert Buecher

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